Saga d'Ardenne,
2000, 319 pages
Collection "Paroles du Terroir" dirigée par Michel Francard
éditée par l'asbl Musée de la Parole en Ardenne (anc. - au Pays de Bastogne)
D2000/3976/1Si l'on constate aujourd'hui un engouement du public cultivé pour les études de généalogie familiale, il n'est guère fréquent que ces amateurs éclairés se donnent la peine de consigner le fruit de leur recherche dans une publication en bonne et due forme. Il est plus rare encore que l'auteur, loin de se limiter à d'austères enfilades de patronymes ou à d'interminables tableaux de filiation, intègre l'histoire familiale dans l'histoire universelle.
Et lorsque l'histoire, loin de statufier les aïeuls, leur rend vie, comment ne pas se prendre au jeu de partager, l'espace d'une lecture, leurs amours, leurs envies, leurs querelles ? Comment ne pas s'apercevoir que, au-delà des destins individuels, "nos frères humains" d'hier sont étonnamment proches ?
C'est bien le pari qu'a réussi René Georges; en observant avec minutie le singulier destin de ses "vieux", il ouvre à ses lecteurs des horizons insoupçonnés, où l'anecdote côtoie le fait établi, où le pauvre défie le nanti, où l'histoire devient saga.
On saura gré à l'auteur de faire œuvre d'historien sans chercher à nous convaincre qu'il en a les prétentions. Des centaines d'heures de travail sur lesquelles ce travail repose, il a extrait à notre intention une moelle d'autant plus substantifique qu'elle porte jusqu'à nous la verdeur et la truculence d'antan. Et si maints passages sont une vibrante invitation à réfléchir aux destinées individuelles et collectives, c'est l'humour qui y tient lieu de philosophie. En pédagogue - qui a des Lettres - l'auteur préfère l'exubérant Rabelais aux austères historiographes. Ce n'est certes pas le lecteur qui s'en plaindra !
Extrait
Mais, un jour, mes vieux m'ont interpellé, rattrapé, accosté, entouré de toutes parts... ils ont fini par prendre tout mon temps. Je me suis donc penché sur leur destinée. Oh! je sais bien que je n'ai pu pénétrer le cœur de tous ni capter le fil de leurs sensations, mais j'ai pu suivre bien des cheminements; ne m'ont-ils pas laissé deviner leur fragile bonheur, ne m'ont-ils pas crié leur malheur, hurlé leur révolte? Leurs situations, leurs sentiments, je les ai faits miens. Ma recherche s'est révélée si riche en rebondissements et ces personnages surgis du passé si criants de vérité, si pleins d'humanité qu'ils éclipsèrent bientôt ceux qui devaient naître de mon imagination. Ils présentent sur les héros dont je rêvais un énorme avantage: celui d'avoir vécu leur pauvre vie d'homme et de porter des noms bien réels, les miens!
Est-il nécessaire de dire que j'ai pris plaisir à effectuer cette recherche, à reconstituer petit à petit ce puzzle de vies, à voir naître ces amours, s'épanouir ces existences, petits grains d'un chapelet que le temps inexorablement et bien trop rapidement égrène? C'est qu'elles m'ont paru bien rapprochées, les dates de naissance et de mort !
Est-il possible, en effet, de ne pas admirer la hargne de vivre qui anima Jean- François George, le vaillant déserteur du démentiel sabreur qu'on nommait Bonaparte? Comment ne pas s'apitoyer sur le sort de Marie-Françoise de Steinbach? Née dans la dentelle, destinée au bonheur, elle se heurta pendant plus de trente ans aux pires difficultés et but son calice jusqu'à la lie. Et je ne puis oublier I'anecdote du "louis d'or" donné le matin à I'orpheline de Rejonru par Jean-Jacques Jacquemin et repris le soir même sur ordre de son épouse Marie-Catherine Louis.
Non! décidément, les heurs et malheurs des "ancêtres" ne laissent pas les vivants insensibles !
Cet ouvrage est épuisé; il n'est malheureusement plus possible de le commander. Il peut toutefois être consulté au Fonds "Michel FRANCARD - Musée de la Parole" de la bibliothèque publique de Bastogne.