samedi 27 mai à Namur - 3ème édition de la Fête aux Langues de Wallonie
Jean-Luc Fauconnier en propose un compte rendu complet.
Fête aux langues de Wallonie, troisième...
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Le 27 mai dernier, la troisième " édition " de la Fête aux langues de Wallonie (FALW) a eu lieu à Namur, aux Abattoirs de Bomel, comme cela avait été le cas pour la « première ».
La plupart des associations qui militent en faveur des langues régionales en Wallonie avaient l'occasion de disposer de tables pour exposer leurs dernières publications. On y retrouvait, entre autres, les Rèlî namurwès, les Scriveûs du Cente, Li Ranteule, les Patwèsants de Sivry-Rance, le Musée de la Parole en Ardenne, Èl Môjo dès Walons, le CROMBEL, le Centre hainuyer d’animation du wallon à l’école (CHADWE) et, bien sûr, l’Association littéraire Wallonne de Charleroi.
On a pu constater, une fois encore, la richesse de l’édition dans nos langues régionales et regretter, une fois encore, que celle-ci ne soit pas mieux diffusée.
Après quelques discours de circonstance – ceux d’Éliane Tillieux, ministre wallonne de l’Emploi et de la Formation, de Geneviève Lazaron, députée provinciale namuroise et de Cécile Crévecœur, échevine namuroise de la Culture – quelques-unes des activités décentralisées et labellisées pour l’occasion firent l’objet d’une présentation; ces activités se déroulant durant la semaine du 20 au 27 mai à Namur, Herstal, Aiseau-Presles, Élouges et Neufchâteau.
C’était l’occasion de visionner un extrait de la pièce de Roland Thibeau, Merci Monsieur Doukhane. Cette pièce a obtenu le premier prix du concours d’écriture dramatique organisé à l’occasion de la FALW 2016 et elle fut présentée à Élouges et à Tournai durant la semaine de la FALW 2017.
Une autre manifestation labellisée s’est déroulée, elle, à Presles, au Centre culturel durant cette même semaine. Il s’agit de A scole, une pièce en un acte à destination des enfants écrite par Jean-Claude Kegelart, en collaboration avec l’atelier wallon du Patrimoine preslois. Les quatre jeunes 'actrices’ (Zoë Kegelart, Alexia Kegelart, Maëlle Bavier et Maïly Francotte) ont eu l’occasion d’interpréter pour l’occasion, un extrait de cette pièce en direct et avec beaucoup de talent.
Michel Francard anima ensuite une ronde tâbe – en wallon et en picard, insistons-y – consacrée à la littérature en langue régionale. Elle a rassemblé Joseph Dewez, Jean-Luc Fauconnier, Rose-Marie François, Dominique Heymans, Lucien Mahin, Roland Thibeau, Joël Thiry et Jacques Warnier qui répondirent – dans leurs parlers régionaux respectifs – à trois questions essentielles: Pouqwè scrîre an walon, picârd, lorin… ô xxiième sièke ?, Pou qui scrîre an walon picârd, lorin… ô xxiième sièke ?, et Comint scrîre an picârd, lorin… ô xxiième sièke ?
Ceci permit d’aborder les problèmes majeurs de la création, de l’édition, de la diffusion des produits littéraires, problèmes encore plus aigus, plus rudes à surmonter si l’on choisit comme vecteur des langues régionales. Chose remarquable, ces différents auteurs qui usent du picard ou du wallon, qui pratiquent la prose ou la poésie, qui écrivent pour le théâtre ou la chanson, tombèrent d’accord sur bon nombre de sujets et s’il n’y eut pas à proprement parler de débat, ce fut l’occasion pour ces auteurs d’évoquer, en public, les difficultés qu’ils rencontrent tous dans la « pratique de leur art » et aussi les joies qu’ils connaissent lorsqu’ils écrivent dans la langue de leur cœur.
Qui aurait pu imaginer qu’on pouvait envisager une table ronde en wallon ou en picard sur un tel sujet! Ce fut pourtant chose faite et ce fut ainsi l’occasion de montrer que l’on peut aborder des sujets à caractère relativement pointu en se servant d’un parler régional et cela sans l’abâtardir par des emprunts au français. Merci à Michel Francard d’avoir osé la chose.
Le public eut alors la possibilité de visiter les stands, de rencontrer les auteurs présents avant de regagner la grande salle où furent proclamés les résultats de deux concours, eux aussi, organisés dans le cadre de la FALW. Lire sins r’lache et les noûs mots.
Lîre sins r’lache est un marathon de lecture qui, cette fois encore, a connu un beau succès. C’est l’occasion pour ceux qui fréquentent des bibliothèques publiques de prendre connaissance du fonds wallon qu’elles renferment et de se risquer à lire à haute voix des textes en wallon, en picard ou encore en lorrain. La bibliothèque qui a rassemblé le plus grand nombre de lecteurs, et qui a donc gagné ce marathon, est celle de Namur. C’est cette même bibliothèque qui remporte le prix qui récompense les meilleurs jeunes lecteurs ; en l’occurrence, il s’agit de Coralie Dethier et de Chloë Lambert. Le prix de la meilleure lecture par un adulte est allé à Carole André qui, à la Bibliothèque de Tournai, a lu un texte de sa propre composition et cela avec un talent remarquable.
La création de noûs mots se révèle indispensable pour que nos langues régionales puissent vivre dans la modernité. Pour la troisième compétition du genre, il convenait de traiter des objets ménagers usuels.
Le jury eut à envisager 8 contributions. La plupart étaient de qualité ; le noû mot y était explicité tant au point de vue de sa formation qu’à celui de son sens; le même néologisme étant intégré dans une phrase, seule possibilité de lui donner vie.
Le jury a retenu une dizaine d’entre eux et en a sélectionné trois qui sont considérés comme les « lauréats » du présent exercice. On remarquera que ces noûmots sont formés sur le même schéma, un verbe suivi d’un substantif ou d’un adjectif. Nous les transcrivons ici en fonction des principes du système Feller tels qu’ils ont été adoptés par l’Association littéraire wallonne de Charleroi.
1e prix : hap’vapeûr, nom masculin, ‘hotte aspirante’, proposé par Jean-Pierre Minguet d’Aywaille. Ce terme couvre toute la Wallonie mais il prendra la forme ap’vapeûr dans les régions où le [h] n’existe pas.
2ième prix ex-aequo: rây’poyèdje nom masculin, ‘épilateur’, proposé par Jeannine Lemaître, de Liège, ainsi que par Jean-Pierre Minguet, d’Aywaille. Il peut se présenter sous les variantes suivantes: sak’pwol (picard), rôy’pwèy (ouest-wallon), rôy’pwèl (centre-wallon), råy’poyèdje (est-wallon), rây’pwal (sud-wallon), rây’pwal (lorrain gaumais)
3ième prix: ward’tchôd, nom masculin, ‘chauffe-plat’, proposé par Michèle Herlin, de Sivry-Rance. Il peut se présenter sous les variantes suivantes: ward’côd (picard), wârd’tchôd (ouest-wallon), wârd’tchôd (centre-wallon), wåd’tchôd (est-wallon), wârd’tchôd (sud-wallon), wardetchôd (lorrain gaumais). Pour ce troisième mot, le jury a particulièrement apprécié le fait que la candidate ait réfléchi à l’usage et non à transcrire tel quel une forme française.
La troisième FALW s’est terminée par une remarquable prestation de La Crapaude – Composé de quatre jeunes femmes qui interprètent a capella des chansons wallonnes, ce groupe vient de sortir un album A tout spiyî qui est par ailleurs accompagné d’un livret pédagogique dû à Joëlle Spierkel.
La qualité de leurs interprétations, l’approche contemporaine de la chanson wallonne, voilà une des plus belles manières de défendre nos langues régionales. Merci à Charlotte Haag, Sabine Lambot, Pascale Sépulchre et Marie Vander Elst, les quatre crapôdes, de servir avec autant de talent une cause qui nous est chère et de donner de ces langues une image dépoussiérée propre à toucher les jeunes générations.
C’est donc sur une image optimiste que s’est achevée cette belle journée de fête et on ne peut que remercier ceux qui, tels Christine Decock et Michel Francard, ont consacré tant d’heures à cette organisation.